Les guildes en permaculture

Des associations végétales vertueuses pour votre jardin-forêt !
21 mai 2020 par
Les guildes en permaculture
Gauthier Camille

ail des ours

Si vous vous intéressez de près à la permaculture, et au jardin-forêt en particulier, vous savez certainement qu’il s’agit de techniques agricoles s’inspirant de la nature, bien éloignées de la monoculture prônée par l’agriculture traditionnelle. Et, dans la nature, des plantes d’espèces différentes se côtoient au sein d’un même biotope, sans que cela tienne du hasard… Non seulement elles ne se concurrencent pas, mais elles s’entraident pour mieux prospérer ! Toutefois, associer les plantes en permaculture ne s’improvise pas. Pour créer des espaces denses et diversifiés, dans lesquels les plantes cohabitent harmonieusement, il faut connaître les guildes, des associations heureuses de plantes. Vous voulez comprendre les guildes en permaculture et savoir comment les créer ? Je vous explique tout et vous donne quelques exemples de guildes en forêt comestible.

Qu’est-ce qu’une guilde en permaculture ?

Une guilde est une association de plantes qui interagissent et s’entraident, créant un écosystème stable et durable.


Elle s’organise généralement autour d’une plante principale dont la hauteur est supérieure aux autres, qui s’accompagne d’autres spécimens au sein de ce qu’on appelle un cortège végétal. Toutes vont cohabiter et se rendre des services mutuels, tout en optimisant les ressources : eau, soleil, nutriments, etc.


Cette association vertueuse va former ainsi un mini écosystème : des plantes servent de tuteurs à d’autres, certaines attirent les pollinisateurs, repoussent les ravageurs ou encore vont aider les végétaux voisins à se nourrir. 


En observant la nature, on retrouve des associations naturelles de plantes sauvages qui ont choisi de pousser ensemble. En permaculture, nous allons alors chercher à recréer ces guildes naturelles. L’étude et l’identification de ces guildes s’appelle la phytosociologie.


En forêt comestible, pour des jardins diversifiés, abondants et durables, nous avons tout intérêt à nous inspirer de la nature. Loin de l’agriculture traditionnelle prônant la monoculture, le modèle naturel nous enseigne les bienfaits d’une culture diversifiée, multi-étagée, dense, composée de plantes qui se soutiennent et s’entraident.


Ces plantes peuvent jouer plusieurs rôles au sein de la communauté végétale de la guilde :

  • rendre accessible en surface les nutriments du sol se trouvant en profondeur ;

  • repousser les nuisibles ;

  • attirer les ravageurs pour protéger les plantes voisines ;

  • attirer les pollinisateurs ;

  • aérer et décompacter, structurer le sol ; 

  • protéger le sol, en limiter l’érosion et y jouer un rôle de tampon climatique, etc.

Vous l’aurez compris, les guildes sont la clé de la conception des jardins-forêts et de ce qui constitue leurs principaux atouts : résilience, abondance et biodiversité.

Observer le phytotype d’une plante, son cortège végétal, dans son biotope naturel, va nous permettre de repérer les familles de plantes qui l’accompagnent et vivent ensemble selon le principe de l’allélopathie, c’est-à-dire l’ensemble des interactions biochimiques entre ces plantes. L'allélopathie va donc nous permettre de déduire quelles sont les plantes qui peuvent entrer dans la guilde de la plante principale.


Au potager, l’exemple le plus fréquemment cité pour illustrer ces associations bénéfiques est la « guilde des trois sœurs » : haricot, maïs et courge. Le maïs sert de tuteur au haricot, tandis que ce dernier joue un rôle de fixateur d’azote et en fait bénéficier ses compagnes. La courge, quant à elle, couvre le sol et agit comme un paillis naturel. 

Exemple de guildes en jardin-forêt

Voici quelques exemples de guildes qu’on peut retrouver en forêt comestible. Les associations se font entre plantes de différentes strates qui vont se rendre mutuellement service pour un écosystème prospère. C’est l’observation du phytotype, c’est-à-dire l’ensemble des végétaux poussant dans le milieu naturel de la plante, qui va nous permettre de comprendre et créer nos compositions synergiques.


La guilde du prunier cultivé - Prunus domestica

Son biotope naturel se situe dans toute la France, avec une densification forte vers la Méditerranée.

Le prunier fait partie d’un biotope pré-forestier ou pionnier, avec à ses côtés : 

  • le sorbier des oiseleurs (Sorbus a.) et l’érable champêtre (Acer c.), comme arbres compagnons ;

  • le genêt (cytisus s.) et le baguenaudier (colutea a.), comme fixateurs d’azote ;

  • l'amélanchier à feuilles rondes (Amelanchier r.), comme arbuste à baies ;

  • le chèvrefeuille à balais (Lonicera x.) ;

  • les chrysanthèmes (Chrysanthemum c.), comme hôtel pour la vie sauvage ;

  • les asperges (Asparagus t.) comme herbacées tubéreuses ;

  • le myrobolan (Prunus m.), le prunellier (Prunus s.) et l’aubépine (Crataegus m.) comme autre arbrisseaux ;

  • les violettes (Viola s.) et les fraises (Fragaria v.) comme couvre-sols.

 Notre guilde du Prunier est donc bien remplie, avec des Rosacées et de nombreuses plantes compagnes très intéressantes à combiner. On peut y observer la présence de presque toutes les strates végétales.

 

guilde-prunier
guilde-amelanchier

La guilde de l'amélanchier à feuilles rondes -
Amelanchier ovalis

L'amélanchier sauvage, ou à feuilles rondes, fait partie du même biotope que le prunier, à la différence qu’il va s’intégrer avant ce dernier.

Sa concentration géographique sera la ceinture Est de la France (Alpes) et on retrouvera plus de plantes acidophiles (qui aiment les terres acides) dans son phytotype :.

  • le sorbier des oiseleurs (Sorbus a.), l’érable à feuilles de platane (Acer p.), le hêtre (Fagus s.) et deux espèces de conifères (Abies a. / Picea e.) à ses côtés ;

  • des myrtilliers (Vaccinium m.) et des framboisiers (Rubus I.) comme arbustes compagnons à baies ;

  • des chèvrefeuilles (Lonicera n.) et des rosiers (Rosa p.) en plantes grimpantes ;

  • de nombreuses poacées (herbes) ;

  • des violettes (Viola s.) et des fraises (Fragaria v.) comme couvre-sols.

 Notre guilde de l'Amélanchier sera des plus intéressantes comme guilde de baies !

La guilde du pommier sauvage ou boquettier - Malus sylvestris

En France, le pommier se concentre dans le nord, l’ouest, le centre et les Pyrénées où il se retrouve dans son biotope naturel pré-forestier à forestier, avec une végétation déjà bien dense :

  • le chêne vert (Quercus p.), le chêne sessile (Quercus s.), le charme (Carpinus b.), le boulot (Betula v.), le châtaignier (Castanea), le peuplier (Populus t.), le poirier sauvage (Pyrus c.), l’alisier (Sorbus t.) et le sorbier des oiseleurs (Sorbus a.) comme arbres compagnons ;

  • la viorne boule de neige (Viburnum o.), le troène (Ligustrum v.), le cornouiller sanguin (Cornus s.), le noisetier (Corylus a.) et la bourdaine l’accompagnent en arbustes ;

  • dans les strates basses, on retrouvera des bruyères (Calluna v.), des millepertuis (Hypericum p.) et des anémones (Anemone n.) ;

  • le chèvrefeuille bois (Lonicera p.) et le lierre (Hedera h.) sont les plantes grimpantes compagnes.

 Aucun fixateur d’azote n’a encore un rôle à jouer ici car nous rentrons dans une autre phase de la succession écologique.

Le pommier se sent donc au mieux entouré d’arbres et accompagné de grand groupes d’herbacées basses qui fleurissent avec moins de luminosité, mais qui ont surtout des floraisons ultra mellifères.

guilde-pommier
guilde-noisetier

 La guilde du Noisetier - Corylus avellana

Le noisetier est naturellement concentré autour de la Méditerranée et se retrouve dans un biotope enherbé pionnier où il est le plus grand sujet présent. On le retrouve accompagné de : 

  • trèfles en grand nombre (Trifolium spp.)  ;

  • véroniques des champs (Veronica a.), astéroline en étoile (Asterolinum s.), petite oseille (Rumex a.) et d’hélianthème tubéreuse (Hélianthémum g.) comme principales plantes compagnes ;

  • poacées ou herbes.

Ceci nous enseigne que la guilde du noisetier n’est pas très complexe et que notre arbuste à fruits à coques se sent parfaitement bien dans un pré.

Ces différentes guildes ne sont que des exemples. Vous pouvez tout à fait créer vos propres guildes, selon vos objectifs !

Comment créer ses propres guildes en permaculture ?


Vous devrez choisir des végétaux qui ont les mêmes besoins en eau, avec des tailles et des volumes différents, ainsi que des systèmes racinaires plus ou moins profonds et étalés, afin qu’ils n’entrent pas en concurrence. Dans le cadre de la création d’un jardin-forêt, vous pourrez intégrer vos propres guildes dans le design de votre projet.


Pour qu’une guilde fonctionne, partez du principe que vous devez regrouper des végétaux remplissant au moins trois fonctions différentes parmi les suivantes :

  • les fixateurs d’azote ; 

  • les plantes remontant des éléments minéraux ;

  • les plantes structurantes pour le sol, le décompactant par leurs racines ; 

  • les plantes structurantes pour les parties aériennes (faisant de l'ombre, protégeant du vent, servant de tuteur...) ;

  • les plantes attractives (pollinisatrices ou attirant les prédateurs, protégeant par là même leurs voisines) ;

  • les plantes répulsives pour les indésirables.


Ces besoins seront différents selon les strates dans lequel s’inscrit le biotope de votre projet, que vous créiez des guildes potagères, de haies fruitières ou de forêt comestible. Vous l’aurez compris, la composition d'une guilde n'est pas figée ! 


L’autre critère essentiel est, bien sûr, qu’il vous faut concevoir des guildes qui répondent à vos besoins et objectifs en terme de récoltes. Que votre projet soit à visée familiale ou professionnelle (maraîchage, apiculture, élevage, etc.), les guildes pourront être différentes autour d’un même végétal principal. 

Plusieurs critères sont donc à prendre en compte et à connaître pour créer des guildes pérennes et fructueuses.


Vous souhaitez aller plus loin ? Vous aimeriez en savoir plus et créer vous-mêmes vos propres guildes dans votre jardin-forêt ?  Passionnés par ce sujet, nous avons créé une formation sur les guildes, où vous apprendrez tout ce qu’il faut savoir pour faire vos propres choix de végétaux et réussir vos associations, en fonction de vos objectifs et de vos ressources. Les guildes n’auront plus aucun secret pour vous ! 


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